"Avec mon frère aîné, je découvris la passion des marais, des vasières parsemées de joncs, et des volées du soir dans de grands ciels tourmentés. Les passées du matin quand bruisse une volée de pilets, souffle soyeux, becs flûtés. J’ai vécu à ses côtés des années de complicité à lorgner fiévreusement le sens du vent, à avaler des kilomètres par tous les temps, à atteler nos sémillantes canes appelant, à épier dans la nuit, des heures durant. Nous espérions d’éventuelles poses, calfeutrés dans nos couchettes, devant un maigre feu qui réchauffait timidement notre hutte flottante dans la baie endormie. Le froid, les tempêtes, l’humidité, les bredouilles, rien ne nous arrêtait, et quand nous rapportions deux siffleurs, c’était le paradis. Nous avions vécu plein d’espoir, humé toute la nuit les douces fragrances de l’estran, et entendu des oies dans les goudrons de la brume."